NANTES
Le 17 mai, dans une chaleur estivale, une foule compacte de plus de 1500 personnes manifeste dans les rues de Nantes sa solidarité avec les blessé-e-s par la police et les inculpé-e-s par la justice. Le cortège, qui emprunte les rues que la préfecture nous avait volées le 22 février, est dense, divers, offensif, sonore et coloré. La peur est conjurée.
Une impression de force contenue se dégage des rangs serrés de la manifestation : la rage et la colère s’expriment dans cette démonstration de puissance collective digne. Les premiers rangs de manifestant-e-s sont casqués, d’autres portent des masques, des bandeaux, du maquillage, une battucada rythme la fin du cortège suivie par des tracteurs : chacun-e témoigne à sa façon sa révolte contre l’injustice. Alors qu’une rue bouchée par plusieurs camions de Gendarmes Mobiles est investie par le cortège, ce sont les militaires et leurs véhicules qui reculent précipitamment sous les huées pour laisser passer la manifestation. Pas l’inverse.
Pourtant un peu plus tôt, dès 15 heures, alors que l’on afflue vers le point de rendez vous, les agressions policières commencent déjà. Les gens qui descendent des transports pour se joindre à la foule sont contrôlé-e-s, fouillé-e-s par des flics menaçants, le tout sous l’œil inquisiteur des caméras de la métropole ou de policiers en civil. La tension monte d’un cran face à cette provocation et les prises de parole commencent dans une ambiance pesante. Plusieurs enjeux du défilé sont alors évoqués : les yeux perdus suite à des tirs policiers – que ce soit en manifestation ou dans les quartiers – se multiplient dans l’impunité générale
1. Rien qu’à Nantes, 4 personnes ont été éborgnées par des tirs de flashball et de LBD ces dernières années. Damien qui a perdu l’usage d’un œil le 22 février vient témoigner des dommages irréparables que la police peut laisser sur les corps
2. Il s’agit le 17 mai de remettre en pratique un réflexe essentiel de protection -trop souvent oublié- : nous manifesterons casqué-e-s. La mère d’Enguerrand, incarcéré depuis le 1er avril pour un jet de fumigène, lit un texte que son fils envoie depuis sa cellule
3. Tout au long du défilé, nous lui exprimerons notre solidarité, ainsi qu’à tou-te-s les inculpé-e-s. L’expulsion violente d’un lieu habité par des migrants quelques jours plus tôt est aussi rappelée 4, plusieurs occupant-e-s se joignent d’ailleurs au cortège qui s’élance sur le cours des 50 Otages.
Au niveau du local du PS, tous rideaux fermés, des fumigènes sont allumés alors que la devanture est redécorée d’un bandeau « Acab ». Plus loin, dans une rue Crébillon ceinturée de bleu, des flics arrachent les pellicules et cartes des appareils des photographes
5.Devant le local de la SNCF résonne un discours de solidarité avec les camarades NO TAV inculpé-e-s pour terrorisme de l’autre côté des Alpes
6. alors qu’une banderole « Nous sommes toutes des terroristes » est déployée dans le cortège. Une manifestation de solidarité avec elles et eux est organisée à Rennes le 24 mai
7. La manifestation repart pour un craquage de fumigène généralisé au niveau de la Place du Commerce, épicentre de la métropole. Plusieurs dizaines d’engins pyrotechniques sont allumés en solidarité avec Enguerrand alors qu’est scandé : « Un fumigène : un an ferme. Combien vous donnez pour une centaine ? ». Une banderole est dépliée en tête cortège pour l’occasion devant le regard impressionné de nombreu/ses/x nantai-se-s.
Plus loin, quelques barrières de chantiers sont déplacées sur la voie de tram avant que le cortège n’entre dans la Rue de Strasbourg parsemée de policiers en tout genre. Le siège de Vinci – fraichement remis en état – est criblé de peinture alors que les forces de l’ordre sont bruyamment huées tout au long de la rue. La tête de la manifestation est dans une énergie électrique. La mairie et les bâtiments autour reçoivent quelques taggs avant que le cortège n’arrive à la Préfecture. A nouveau, plusieurs prises de parole se succèdent dont celle de la compagne d’Enguerrand qui lit à son tour une autre de ses lettres
8. La foule finit par se disperser dans le brouillard des fumigènes.
Jusqu’au bout, les flics cherchent la provocation en embarquant au commissariat une manifestante pour un contrôle d’identité. Elle sera relâchée une heure plus tard.
Les dirigeants d’une grande organisation citoyenne anti-aéroport bien connue, tétanisés, se sont publiquement dissociés de cette journée de solidarité. Ils ont préféré réserver leur indignation médiatique aux prétendus « casseurs » plutôt qu’à la violence policière inouïe qui s’est abattue sur des centaines de d’individu-e-s le 22 février ainsi qu’aux procès expéditifs qui ont suivi. La manifestation du 17 mai se passe bien de leur soutien : l’évènement agrège de nombreuses colères dépassant largement la seule question du projet d’aéroport, réunissant une foule compacte et dynamique venue de Nantes et d’ailleurs. Des actions et concerts de solidarité à Toulouse, Guingamp et Rochefort lieu au même moment.
Ce qui se joue va désormais bien au delà de Notre-Dame-des-Landes.
Ce 17 mai nous avons montré notre refus de nous laisser voler la manifestation du 22 février par la police et les médias. Nous avons prouvé collectivement la force de nos solidarités.
La police interdisait les rues du centre ville commerçant le 22 février ? Nous les empruntons.
La police tire dans les visages ? Nous nous protégeons.
L’un des nôtres est incarcéré pour un fumigène ? Nous en allumons par dizaines.
La police voudrait nous terroriser, nous empêcher de manifester, nous isoler ?
Nous reprenons les rues de Nantes ensemble, par centaines.
TOULOUSE