Chez les bobos et chez les hippies-des-villes on sait qu’il faut manger « responsable ». C’est à dire qu’on mange bio, le plus souvent de saison (la soupe de citrouille c’est seulement pour l’automne). Parfois, il y en a même qui sont « locavores », c’est à dire qu’ils mangent au maximum des produits issus du coin pour favoriser les petits producteurs locaux et surtout éviter les bananes acheminées par containers de l’autre bout du monde.
En ce qui concerne la viande, les bobos savent qu’il faut en manger moins, c’est important, surtout réduire sa consommation moins de viande rouge, qui est pleine de cholestérol. Bien sur la viande doit être bio pour être sur que les conditions d’élevage des animaux sont bien meilleures que dans l’élevage industriel. D’ailleurs les bobos ont leur amie Josiane du cours de taishi qui est presque végétarienne (elle mange encore un peu de poisson).
Chez les bobos, autant être végé ça passe, autant le mot vegan ou végétalien est proscrit car beaucoup trop extrémiste (les bobos n’aiment pas l’extrémisme). Quand on leur parle de l’exploitation animale dans la production du lait de vache ou dans la fabrication du fromage, les bobos hérissent le poil et pour vous clouer le bec une bonne fois pour toute, ils ont une arme redoutable : la théorie de leur ami Jean-Claude.
Jean-Claude c’est un ami à eux qui était publicitaire à Paris. Il travaillait 10h par jour dans une grande boite et il était très bien payé jusqu’au jour où il a fait un burn-out et a tout lâché pour aller élever des chèvres dans les Pyrénées. Depuis il fait son fromage lui même qu’il revend à des potes et sur des marchés, il est très heureux et ses chèvres, il les aime. Elles sont élevées au grand air, son fromage est bio, tout comme sa bouteille de vin rouge et puis quand même, merde, on va quand même pas toucher au sacro saint fromage gastronomique français ! Un pilier de notre culture culinaire ! C’est la tradition quoi, on ne peut pas leur enlever ça !
Sauf que Jean-Claude n’a que des chèvres. Or les chèvres, pour qu’elles produise du lait il faut un bouc qui les féconde et qu’elles tombent enceintes de chevreaux. C’est ensuite lorsqu’elles accouchent de leurs petits qu’on leur enlève pour prendre le lait qui était destiné aux chevreaux et qu’on l’utilise pour faire du fromage. Le principe est le même pour le lait de vache qu’on trouve en supermarché : les vaches sont inséminées artificiellement à la chaîne et leur petit leur est retiré afin de voler le lait pour le transformer et le mettre en bouteille.
Même si Jean-Claude est sympa, comment il le sait que ses chèvres ont envie d’être fécondées à la chaine sous prétexte que de toute façon ce sont des femelles et qu’elles ne servent qu’à ça pour produire son fromage bio ?
Mais une fois les chevreaux nés, Jean-Claude n’a toujours que 50 chèvres. Si chaque chèvre avait eu un seul petit, il n’y aurait plus seulement 50 animaux dans le cheptel mais le double. Où sont donc passés les petits ? Revendus ? Tués ?
Vous croyez quoi ? Que les petits sont retirés et le lait volé seulement dans les élevages industriels ? Quand on a 50 chèvres, on a pas assez de temps, d’espace et d’argent pour s’occuper de 50 chevreaux en plus. Ou alors on élargit son cheptel, on investi et on n’est plus un petit-producteur-local-sympa mais un industriel capitaliste.
Dans la majorité des fromages on trouve de la présure ; une enzyme qui permet par coagulation de créer une croûte.
Elle peut être végétale, synthétique ou animale. La présure animale provient du quatrième estomac des veaux, chevreaux ou agneaux abattus avant sevrage (source : produits-laitiers.com). Tous les fromages indiquant « présure » dans leurs composants contiennent de la présure animale, tout comme tous les fromages AOP (Appellation d’Origine Contrôlée) ou Label Rouge. Même si on trouve de plus en plus de présure microbienne, majoritairement la présure vient d’animaux d’élevages que l’on a enlevé à leur mère.
Comment savez vous que la présure utilisée par Jean-Claude n’est pas issue de l’estomac d’un veau séparé de sa mère et assassiné ?
En fait Jean-Claude c’est celui qui est issu de l’héritage de mai 68, c’est la caution lutte des classes des bobos et hippies-des-villes (parce que lui, il a quitté son mode de vie citadin et capitaliste pour un vrai retour à la Nature t’as vu). C’est l’exemple qu’on sort pour continuer à bouffer de la viande et du fromage animal sans culpabiliser. Il y en a qui ont un ami noir et d’autres qui ont un cousin qui est coiffeur dans le marais. Les bobos ont aussi un Jean-Claude qui leur sert de garant pour nous faire croire que l’exploitation animale ça peut être cool et anti-capitaliste.
(Bien sur il existe sa variante « Le poulailler de ma grand-mère », déjà superbement illustrée par Veggie Poulette)