On va juste vous parler ici de deux belles rencontres faites sur le site de l’Ieperfest, ce weekend. A part ça c’était musicalement excellent, mais ce n’est pas ce dont on va parler.
Première rencontre
Tobias, le cours magistral, les études fantômes et l’attraction du micro
Tobias Leenaert, de l’association apowelfariste EVA, nous gratifie tout d’abord d’un chef-d’oeuvre absolu en matière de dépolitisation, d’exemples douteux, de parallèles à vomir et de raisonnements biaisés, s’appuyant systématiquement sur “des études”. “Des études montrent que” les personnes réduisant leur consommation de “viande” ont plus d’impact sur un changement de paradigme en faveur du veganisme (ce qui pour lui, semble équivaloir à une meilleure représentation dans le monde marchand, rien de plus), que les vegans. “Des études montrent que” mieux vaut ne pas dire les choses comme elles sont (ceci n’est pas paraphrasé; il a vraiment dit ça). “Des études montrent que” culpabiliser est contre-productif. Or dire la vérité fait culpabiliser. La conclusion s’impose donc : mieux vaut un silence complaisant à une exposition de faits. Si les études le disent. La question est posée de la provenance desdites études (après arrachage de micro car, comme nous le verrons plus loin, Tobias tient à son ami filaire), mais il ne les a pas sous la main. Un oubli, sans doute. Pas grave, ce n’est pas comme si la légitimité de son argumentation résidait entièrement dedans.
Pour notre professeur, l’attitude prévaut sur le comportement. Il est donc plus productif pour notre chiffre de vente (oui, oui, vous avez bien lu, le véganisme est une marchandise, et il s’agit d’être de bon-ne-s petit-e-s VRP), de consommer des produits animaux – mais juste un peu; ça fait toute la différence, sobriété, modération, amen – et d’ainsi montrer que nous sommes ouvert-e-s, plutôt que d’être cohér… extrêmistes et dire, par exemple, une énormité comme “je suis vegan donc je mange vegan”. Vous imaginez la mauvaise image que cela donnerait.
Une autre incise particulièrement parlante est un exemple qu’il donne : on ne peut pas dire “il n’y a pas d’excuse à ne pas être vegan”. Une femme battue par son mari dit ne pas oser le devenir car son mari la frapperait pour ça. Utiliser cette phrase revient donc à “sous-estimer” ce qu’elle vit. Rappelons que Tobias est un homme blanc cis. Ceci, vous voyez, est un raisonnement immonde, mettant en scène une oppression que jamais, notre professeur préféré ne subira, mais surtout son utilisation dans une argumentation à sens unique, sans tact, sans réflexion, sans respect pour cette femme, ni toutes celles qu’il s’est permis de représenter par cet exemple, vite passé.
Les animaux en elleux-mêmes ne sont presque pas évoqué-e-s. Semble-t-il que pour parler pour elleux et défendre leurs intérêts, il faille les faire passer au second plan, derrière la santé humaine, l’environnement, et toute autre raison humanocentrée de réduire, et non pas arrêter, sa consommation carnée ou lactée.
Après une longue logorrhée ininterrompue à base de “je vous pose une question mais si votre réponse ne me plait pas vous vous tairez”, et sa consécutive distribution de bons points (Approche abolitionniste ? Mauvais. Approche welfariste ? Bon. Toi tu auras une étoile dorée dans ton bulletin en fin de trimestre) vient, la séquence questions/critiques. Enfin, c’est ce qui s’affiche au tableau blanc. Mais Tobias dit “merci, au revoir” et s’apprête à remballer. C’est donc le moment de prendre le micro. Les questions qui lui sont posées semblent le mettre mal à l’aise : sa présence même dans un festival clairement antifasciste, par exemple. Il “n’a pas de problème avec ça.” On a envie de dire, ça tombe bien. Critique du capitalisme ? Refus de toute oppression ? Convergence des luttes ? Mettre les victimes au centre du discours ? Tout ça ne semble pas lui parler, et à mesure des questions, ses doigts semblent plus agrippés à son ami micro. De l’intérêt d’avoir une voix qui porte…
En conclusion. Merci EVA. Merci Tobias Leenaert. Voilà un discours entrepreneurial, apolitique et mièvre dont le mouvement pour le droit des animaux avait grandement besoin.
Deuxième rencontre
Jérôme Lescure, ses gaufres, son oeuvre
Un peu de mise en contexte. Vous êtes dans un festival hardcore, vegan et antifasciste. La musique est bonne (bonne, bonne – pardon). Les spaghettis sont bons. Les frites sont bonnes. Les smoothies sont bons. Les gaufres sont b… Mais qui est là, à vendre des gaufres de Liège, devant sa petite camionette jaune, avec un air légèrement inquiet et une fâcheuse tendance à jeter des coups d’oeil par-dessus son épaule ? Mais c’est Jérôme ! Vous savez, le réalisateur du magnifique ALF, le film ? Non ? Jérôme et ses discours anti-antifa ? Un petit effort, Jérôme et ses séances sourire et bras-dessus bras-dessous avec la crème du néonazisme animaliste ? Voilà. Ce Jérôme.
Alors, on peut émettre plusieurs suppositions.
Peut-être que son immense talent de réalisateur ne rapporte pas assez d’argent pour son prochain long-métrage, que l’on attend impatiemment depuis si longtemps ?
Peut-être qu’écouter du Ginolin pendant des mois lui a laissé une épaisse couche de crasse dans les conduits auditifs, et qu’il s’est dit pouvoir nettoyer tout ça avec du HxC à fond de balle pendant 3 jours ?
Peut-être qu’il tente un empoisonnement massif, par sucre-glace interposé, d’antifas européen-ne-s venu-e-s participer au festival ?
Le mystère reste entier.
Donc, quand on voit Jérôme, on se dit “allons lui dire bonjour”. Et tout de suite, il tient a nous rassurer quant à ses orientations politiques : il nous affirme une dizaine de fois qu’il n’est pas antifasciste. Bon, on a compris, c’est un peu le problème, mais c’est l’intention qui compte. Une discussion sympathique s’ensuit, où Mister Gaufre se montre aussi clair que franc. Car non, Krier (de Troisième Voie) n’est pas son amie, ce qui explique bien entendu les nombreuses photos d’elleux deux, qui montrent une profonde inimitié. Luna Stenfors (militante fasciste et négationniste) non plus, n’est pas son amie (bis). Non, il n’aime pas Brigitte Bardot, dont il a non seulement accepté, mais revendiqué le soutien. Non, il n’a rien contre les antifa; même s’il vient d’affirmer avec horreur qu’il n’en est pas (imaginez qu’on ait pu le croire, doux Jésus… Voilà qui aurait été affreux). Non, il n’a jamais fait de déclaration pour traiter ces dernier-e-s de “petits branleurs”. Ou si. Peut-être. Mais parce qu’il a été attaqué. Et vous, comment réagiriez-vous si vous étiez attaqué-e-s ? demande-t-il les larmes aux yeux. Nous, nous sommes attaqué-e-s par le fascisme que tu laisses entrer dans nos espaces, Jérômichou. Et tu te trouves dans un festival clair politiquement. Alors qu’as-tu à y faire ?
Nous informons aussi évidemment l’organisation du festival, qui a toujours montré sa non-compromission avec le fascisme, de la présence de Lescure et du problème qu’elle pose. Illes règlent le problème dans la soirée.
Le lendemain matin, devant le souvenir de son stand, vide tel un coquillage abandonné sur la Madrague de sa pote Bardot, on semble entendre en une complainte balayée par le vent : “Je ne suis pas antifaaa” – “Branleeeeeeurs”.
Ciao, l’artiste.
Collectif Antispéciste Wallonie-Bruxelles