Grandes peurs et petits fantasmes : débat autour de l’Islam

Nous ne sommes pas forcément les mieux placés pour introduire un sujet aussi vaste qu’est l’Islam en tant que culture riche, complexe et multiple. Il n’est pas plus aisé de parler de l’islam religieux tant il est multiple : Sunnite, Chiite, Wahhabite ou encore Soufi. Nous prenons tout de même la parole, puisque de nombreux textes peu renseignés fleurissent sur le net, il nous est donc difficile de faire pire ignorance. La nécessité de parler de l’Islam et de l’islam -dont nous distinguerons le premier du second de par son aspect culturel pour consacrer au second la spécificité religieuse- s’impose à différents groupes (anarchistes, communistes etc.) et nous pensons que ces questions concernent également la spécificité de la lutte animaliste pour se prémunir des racismes qui la compose trop souvent.

L’islamophobie

Le terme en lui même fait débat, quand l’une situe sa naissance (Caroline Fourest) comme une invention propagandiste du régime iranien, un autre (Alain Gresh par exemple) le vieilli et lui donne une racine bien plus ancienne. Ce qui est certain, c’est qu’il est utilisé par différents groupes prônant un islam politique radical et ils utilisent ce terme dans leur lexique de propagande. Il est également utilisé par des individus qui expriment ainsi une discrimination raciste à l’encontre de leur appartenance à la religion musulmane ou même comme une discrimination à l’égard de l’Islam en tant que culture.

Ce concept conjugue à la fois une méfiance logique envers les discours des tyrans fanatiques iraniens et une certaine sympathie pour un discours refusant les discriminations. Ce terme ambigu n’est pas forcément adéquat, mais quels termes et symboles ne sont pas de nos jours détournés par les adversaires même de ces termes ? Que dire du prétendu antiracisme non incluant l’antisémitisme ou l’antiracisme non incluant la préoccupation de la haine de l’Islam ?

Un regard sur l’étranger

L’étranger, l’oriental comme l’a imaginé dans ses fantaisies l’occidental -l’Orient et l’Occident étant des créations avant tout idéologique et discriminante- est exotique, il est une surface de projection des fantasmes secrets. Il est soit, une fascination totale, voire naïve de la part de groupes politiques vouant un culte de la différence, la créant dans son fantasme alors que cette différence n’existe bien souvent pas ou bien plus limitée que dans leurs imaginaires. L’attitude est souvent coloniale par un coté paternaliste de protection, à la place de l’autre, un vol du discours propre de celui mis à la place d’étranger. Face à cela, il y a les fantasmes discriminants d’étrangers lubriques virils et violeurs se voyant d’office opposés à toute attitude antisexiste et nombres d’autres attributions racistes et discriminantes. Dans le combat animaliste, bien trop souvent, l’étranger ne peut par avance avoir une conviction végane et doit être un égorgeur de mouton assermenté.

La liberté d’expression

Dans le débat médiatique, il a été opposé la liberté d’expression à l’islamophobie. Une liberté d’expression qui doit être remise en cause, peut-on laisser librement le fascisme s’exprimer ? Un parti revendiquant son combat en faveur de la liberté d’expression est le front national, cette liberté qui veut surtout dire pour eux, la fin de la loi (Gayssot) interdisant entre autre la négation de la Shoah. La liberté d’expression n’est pas faire le lit des thèses racistes. En cela soyons clair, la critique de l’islam religieux est tout à fait normal, cette critique l’est moins quand elle a pour but une critique violente de la culture ; l’Islam.

Critiques et propositions

Dans une candeur bien trop habituelle, une partie du mouvement anarchiste ne fait pas la différence entre l’islam religieux et l’Islam culturel et il s’oppose de fait aux résistances des différents peuples contre les dictatures « islamistes ». Cette naïveté condamne des individus à une assignation religieuse, refusant d’entendre que la majorité des gens (en France par exemple) de culture islamique, des peuples de l’Islam, ne sont pas religieux. Nous pensons qu’il est peut être plus judicieux de ne pas justifier leurs discours naïfs par des penseurs laïques (parfois fort critiques de la religion) comme Fanon ou Edward W. Said (auteurs qu’ils utilisent). Il est du droit, devoir de critiquer les religions, il existe une liberté de la critique, même la plus idiote possible du phénomène religieux, tant que celle-ci n’est pas un prétexte raciste. Nous proposons de remettre en avant une philosophie, une politique, une éthique décentrée de ce qu’on nomme l’Occident et d’étudier la modernité des penseurs philosophes, artistes de l’Islam.

Nous soutenons et devons découvrir les révoltes de l’Islam, écouter les laïques, ne plus laisser les fanatiques religieux minoritaires s’égosiller devant les caméras.

Le choc des civilisations est une théorie raciste à laquelle nous ne pouvons souscrire, les révoltes et résistances en terre d’Islam nous prouvent l’échec des thèses racistes. L’actualité de la lutte des classes nous montre que de riches états et individus font la promotion d’un islam radical (le Wahhabisme par exemple) se servant des populations les plus pauvres comme chair à canon de leur djihad. En tant qu’anarchistes, nous ne feront pas de concession, nous n’accepterons pas que certains individus édictent des fatwas, décidant pour tant d’autres de questions de vie et de mort.

En cela nous soutiendrons les artistes et auteurs qu’ils soient des peuples de l’Islam ou non, dans leur volonté de s’émanciper du carcan religieux. Rappelons que l’Islam était précurseur de la laïcité bien avant d’autres religions, n’oublions pas que le combat laïque est aussi celui de l’Islam.

Aparté animaliste

Dans notre lutte pour la libération animale, il est logique de critiquer les religions qui portent en elles l’inscription spéciste de la séparation des êtres humains des animaux. Elles portent également une longue histoire de discriminations. Pourtant ce n’est pas ce que l’on entend comme critique, le plus souvent il s’agit d’une critique raciale visant à promouvoir un Occident qui serait une protection contre un Islam criminel avec en ligne de mire la question du Hallal. Jamais il n’est mis en avant les éléments positifs des peuples de l’Islam vis à vis des animaux. En conséquence notre lutte est reprise et cristallisée par l’extrême droite. Il faut être vigilant pour ne pas laisser notre lutte se faire alpaguer par les discours haineux. L’Islam a le droit de cité dans la lutte de libération animale.

En conclusion, un poème bien connu d’Ibn Arabî ;

Mon cœur devient capable de toute image :

Il est prairie pour les gazelles, couvent pour les moines,

Temple pour les idoles, Mecque pour les pèlerins,

Tablette de la Torah et livre du Coran.

Je suis la religion de l’amour, partout où se dirigent ses montures,

L’amour est ma religion et ma foi.