Devenir vegan et sortir d’une société sexiste et homophobe

Devenir vegan et sortir d’une société sexiste et homophobe

Initialement Publié le 17 juin 2011 par Panthères enragées

 

La consommation de viande est synonyme de pouvoir et de virilité. En devenant Vegan ou tout simplement en refusant la consommation de viande, l’homme doit apprendre à remettre en cause les schémas imposés de la société sexiste.

Réfléchissons à ce que nous dit Carol Adams, dans son livre, sexual politics of Meat :

« Les gens qui ont le pouvoir ont toujours mangé de la viande. L’aristocratie européenne consommait une large gamme de nourriture avec toutes sortes de viandes alors que la classe ouvrière consommait des glucides complexes (riches en protéines et peu coûteuses comme les farines complètes, pains

etc). Les habitudes alimentaires montrent les distinctions de classe mais elles montrent également les divisions patriarcales. Les femmes, ces citoyennes de seconde zone, sont plus habituées à manger ce qui est considéré comme de la nourriture de seconde zone dans la culture patriarcale : Les légumes, fruits, les graines plus que la viande. Le sexisme dans la consommation de viande récapitule les distinctions de classe avec une entourloupe supplémentaire : Une mythologie qui infiltre toutes les classes comme quoi la viande est une nourriture masculine et que manger de la viande est une activité masculine. »

L’homme, en refusant la consommation de viande, refuse de se soumettre à l’ordre établi sexiste. Il perd une forme de pouvoir. Au delà de ça, la pression sexiste fait que s’il abandonne la viande, il abandonne son genre d’homme, et est exclu en quelque sorte de ce groupe, de cette culture de genre masculine. Automatiquement la non-consommation de viande, d’autant plus si elle est associée à une forme de compassion (qualité culturellement associée aux femmes) féminise l’homme. Un vegan serait un homme efféminé, un demi-homme.

Cette conception se retrouve notamment véhiculée par certains homophobes. Nous pensons aux écrits du l’homme d’église James Rutz et son célèbre article « Le soja rend les enfants homosexuels ». (Et nous savons comment le soja, le tofu, sont associés à la nourriture végétarienne et végétalienne.)

« Le soja féminise et très fréquemment conduit à une diminution de la taille du pénis, une confusion sexuelle et à l’homosexualité. C’est pourquoi la hausse de l’homosexualité dont se plaint le corps médical trouve sa solution dans les composants du soja et dans l’augmentation des produits à base de soja. (La plupart des bébés sont nourris au biberon dans leur enfance, et un quart le sont au soja !). Les homosexuels disent souvent que l’homosexualité est de naissance car « Je ne peux me souvenir d’un temps ou je n’étais pas homosexuel ». Non, l’homosexualité est toujours une déviance. Mais maintenant nombre d’entre eux peuvent véritablement dire qu’ils ne peuvent se souvenir d’un temps où l’excès d’œstrogène ne les influençait pas. »

Selon les théories de J. Rutz  l’excès d’œstrogène diminuerait  le taux de testostérone et « féminiserait » et pour lui  rendrait homosexuel. Nous pouvons imaginer de quelle façon ce genre de discours homophobe et réactionnaire pourrait avoir comme conséquence sur une forme de dé-homosexualisation via un régime à base de viande.

Face à ce discours sexiste et homophobe rappelons quelques éléments :

L’homme n’a en aucune façon besoin de consommer plus de viande que la femme. Si on se base sur l’hypothèse que la viande apporterait les protéines nécessaires, rappelons que la femme, notamment lors d’une grossesse (qui n’est évidement pas le destin de « la femme »), à besoin de bien plus de protéines qu’un homme.

La société sexiste impose une norme de genre calquée sur le sexe biologique. La représentation du féminin et du masculin est celle du maitre et de l’esclave. La vision positive de la femme reste encore à développer et c’est pour cela que la lutte pour la libération animale est indisociable des autres luttes sociales, notamment contre le sexisme.

 

Une culture vegane est une nouvelle culture où le genre est une question de liberté, tout comme la pratique sexuelle hétérosexuelle ou homosexuelle. Etre vegan c’est sortir de ce carcan hétérosexiste !


 

Compte rendu de la Rencontre Internationale de l’Anarchisme à Saint-Imier (Suisse)

 

Il y a 140 ans, en opposition à l’internationale de Karl Marx, Bakounine et d’autres anarchistes anti-autoritaires se sont réunis pour former une internationale non-autoritaire s’opposant à l’internationale autoritaire des communistes.

Pour fêter cet évènement et poursuivre cette initiative, des anarchistes – et plus précisément les différentes fédérations anarchistes regroupées sous l’IFA (International Anarchist Federation) – ont organisé la Rencontre Internationale de l’Anarchisme.

Des membres des Panthères Enragées se sont rendus sur place pour se retrouver entre anarchistes, et rencontrer de nombreux militants venus du monde entier.

Ces rencontres proposaient des débats, conférences, projections, concerts autour de l’anarchisme. Cette rencontre a eu un franc succès, avec plus de 3 000 personnes présentes et les salles de débats continuellement pleines à craquer.

Au vu du programme officiel, nous étions particulièrement intéressés par la conférence/débat organisée sous le titre « Anarchisme et condition animale ». Elle a eu lieu dans la salle de concert de l’espace noir, un endroit assez exigu, surtout pour le grand nombre de personnes présentes, beaucoup de francophones, mais aussi pas mal d’anglais / américains. Trois intervenants étaient présents, un militant de la CNT, un militant de la FA (fédération anarchiste) français, et un militant animaliste suisse. Au départ les intervenants ont lu deux textes de célèbres anarchistes (le premier d’Elisée Reclus que vous pouvez consulter ici, et le second de Louise Michel disponible ici), ils ont ensuite demandé au public de découvrir qui en étaient les auteurs, le but étant d’inciter le public à établir des liens entre anarchisme et condition animale. La forte présence de militants vegans – qui nous a surpris et réjouis – a permis de répondre assez rapidement à la question.

En introduction, ils ont rappelé que c’était une chance de pouvoir faire ce débat, compte tenu des grandes difficultés à l’organiser (débats très polémiques au sein du milieu anarchiste institutionnalisé), et que cela marquait une grande évolution du milieu anarchiste.

A l’origine, les réunions entre organisateurs se sont déroulées sans que rien ne soit prévu pour les végétariens / vegan-e-s, les organisateurs végétariens se sont donc retrouvés entre eux pour manger, et en discutant de cette situation, ils ont eu alors l’idée de la conférence.

Par la suite, il fut expliqué en détail les raisons personnelles de l’arrêt de la consommation de viande par chaque intervenant, et les motivations politiques, anticapitalistes du végétarisme. Les arguments étaient centrés sur le végétarisme. Assez rapidement après la présentation, pendant le débat, le veganisme est devenu l’un des thèmes majeurs.

Nous avons entendu une critique de certaines actions antispécistes de type veggie pride, lors desquelles la plupart des manifestants condamnaient les slogans politiques comme « Pas de côte de boeuf, pas de bottes de keufs », ou les actions spontanées de type occupation du Macdo ou du KFC.

Quelques critiques ont été émises contre le végétarisme / veganisme, parmi lesquelles la résistance anticapitaliste qu’organisent certaines éleveurs, en manifestant contre les puces électroniques devenues obligatoires pour leur « bétail », considérant cela comme « une anticipation, une expérience préalable sur les animaux pour ensuite s’appliquer sur l’homme pour mieux le contrôler ».

Nous avons également entendu l’argument « Mais comment va t-on faire si tout le monde fait un jardin vivrier ? C’est impossible, il faut plusieurs hectares par personne pour vivre ! ». Il a été rappelé qu’un régime végétarien/vegan nécessite beaucoup moins de terre, d’eau et consomme beaucoup moins de ressources en général, qu’un régime carné, de plus « plusieurs hectares par personne pour vivre » nous paraît légèrement exagéré.

Quelqu’un a pris la parole pour dire qu’il fallait assumer ses choix de vie, et que lui-même assumait tous ses actes, il a donc précisé : « Un jour, quand j’ai eu vraiment envie de manger du fromage, je suis allé dans une ferme à côté de chez moi, et après m’être renseigné sur la façon de procéder auprès de l’éleveur, j’ai tué un chevreau, pour pouvoir prendre le lait de sa mère, et me faire du fromage. » Cette intervention a soulevé de nombreuses indignations, particulièrement lors de sa traduction en anglais, où la personne, ne souhaitant pas leur traduction, a probablement pris conscience de ses paroles, en les entendant à nouveau.

Une autre personne : « Je suis sensible à plusieurs arguments énoncés précédemment, mais moi je suis agriculteur, j’utilise des chevaux de trait pour cultiver mes champs, et je ne vois pas le problème de faire travailler des animaux, c’est un travail à deux, l’homme avec l’animal, ensemble dans le labeur ». De nombreuses personnes étaient d’accord avec cette intervention, et le débat a duré quelques temps sur ce point précis, soulevant de vives protestations de part et d’autre.

A la fin de la conférence / débat, nous avons abordé le sort des prisonniers de la cause, et nous avons distribué notre tract sur l’Anarchisme et la Libération Animale. Le débat a duré très longtemps, et nous ne pouvons pas résumer ici l’ensemble des discussions, nous retranscrivons juste quelques éléments que nous avons conservés en mémoire. Nous rappelons que le débat a été enregistré pour Radio Libertaire, il sera disponible prochainement sur leur site, et nous le mettrons un lien vers celui-ci bientôt. Nous avons pu par la suite parler de notre collectif et noué des contacts avec différents anarchistes vegans présents à ce débat, (ou par la suite, lors du rassemblement).

Dans l’ensemble, le rassemblement était bien organisé d’un point de vue technique, il y avait différents campings disponibles, le nôtre était équipé de sanitaires, de douches chaudes, ainsi qu’un petit déjeuner vegan servi sur place.

La nourriture était préparée par une coordination internationale réunissant plusieurs groupes de cuisine populaire, vegane et bio, proposant trois repas par jour pour moins de 8 euros (prix indicatif), et fonctionnant à prix libre pour laisser à chacun la possibilité de manger, même sans revenus. Les repas étaient très bons et copieux, le pain délicieux, d’ailleurs nous avons rencontré le boulanger vegan et quelques volontaires qui l’aidaient : il se levait à 4h du matin et finissait à 22h pour proposer plus de 180 kg de pain à tout le rassemblement et pour tous les repas. Nous tenons à le remercier et le féliciter, ainsi que toute l’équipe des cuisines pour avoir fait partager magistralement la nourriture vegane à tout un rassemblement, de plus, une nourriture extrêmement délicieuse !

La petite ville suisse de Saint-Imier était dédiée à ces rencontres avec presque 8 lieux disponibles dont celui de l’organisation anarchiste locale : « l’Espace Noir ».

Nous devons tout de même formuler plusieurs critiques vis à vis de ces rencontres, tout d’abord l’omniprésence d’un programme préétabli par une équipe d’organisation qui ne laisse aucune place aux initiatives spontanées. Un programme qui évite de traiter en profondeur les principales dominations de notre société capitaliste ; le spécisme, le sexisme, l’homophobie, l’antisémitisme etc. Les initiatives allant dans ce sens ont été individuelles comme l’organisation de réunions/débats féministes en non-mixité (présence également de réunions non-mixtes d’hommes sur le patriarcat). Pourtant, nous ne disposions pas de lieu pour mener les réunions et discussions parallèles. Nous devons également regretter la présence de propos misogynes ou homophobes prononcés par certaines personnes, et la non prise en compte de ces problématiques quotidiennes dans ce rassemblement. Divers groupes ont pu s’organiser sans aide de l’organisation, pour produire des travaux passionnants. De plus, dans cette rencontre anarchiste nous devons déplorer la trop forte présence et importance de l’argent, des concerts payants presque tous les soirs, un camping payant etc. En réaction à cela, il y a eu un troisième camping gratuit et auto-géré qui s’est construit durant le rassemblement.

Ce qui nous a le plus marqué c’est que nous avons découvert qu’à « l’Espace Noir », un homme (extérieur au mouvement anarchiste et faisant du commerce) faisait cuire des saucisses sur un énorme barbecue, pour vendre des hot-dogs. L’odeur de cadavre envahissait tout le bar et la cour, où de nombreuses personnes se réunissaient chaque soir après les conférences, pour profiter des concerts.

Contre ce barbecue, des actions spontanées se sont rapidement mises en place :       Des vegan-e-s ont commencé par mettre de la crotte de chien dessus, puis un autre soir ont jeter sur les saucisses un mélange d’urine et d’excréments (ce qui n’a pas empêché les consommateurs de viande d’en manger).

Ayant constaté ce barbecue et entendu parler de ces actions spontanées, nous avons décidé le jour suivant de nous réunir entre vegan-e-s. Par la suite, nous avons décidé, à 15 /20 vegan-e-s, de bloquer le barbecue et d’empêcher la vente de viande sur ce festival anarchiste. Nous avons débarqué et formé une chaîne humaine tout autour du barbecue pendant que les saucisses étaient données aux chiens. Nous avons lu un texte écrit collectivement, et avons crié des slogans (« There is no excuse for animal abuse !!! » – « Il n’y a pas d’excuse pour la maltraitance animale !!! »).

A ce moment là, la tournure des évènement est devenue assez « folklorique », et nous avons subi une série de violence : L’homme du barbecue à pris sa spatule pour brûler un camarade, il en a mordu un autre, des gens ont aspergé de vins des militant-e-s, un homme a tenté de nous frapper, d’autres nous ont giflé, poussé. On nous a traité de fachos, nazis, islamistes, on nous a demandé qui était le responsable de tout ça, certains se sont offusqués de voir une telle action directe dans un rassemblement anarchiste. (« Ils font ça ici !!?? »). Quelques sympatisant-e-s dont des copines féministes (non veganes) sont venus tenter de nous défendre, aidés d’autres personnes, et ont fait spontanément le lien avec le combat féministe (« Tous les combats ont commencés comme ça, le combat féministe aussi ! »). Nous étions tout autour du barbecue, faisant une chaine humaine, tournés vers la foule, dont certaines personnes s’étaient rapprochées. Beaucoup d’entre nous avons eu des débats houleux avec certains, dans une mauvaise foi et une agressivité impressionnante la plupart du temps. Après moult slogans et autres bousculades, dans un brouhaha total, nous avons réussi à obtenir ce que nous voulions, le barbecue a été retiré, et jusqu’à la fin du rassemblement il ne devait pas réapparaître.

Juste après l’action, tout le rassemblement ne parlait que de ça, en bien ou en mal, mais tous en parlaient, nous avons entendu de nombreuses conversations et débats spontanés sur le chemin menant au camping, dans les salles de conférences….Parmi les anecdotes nous pouvons citer par exemple un anarchiste qui nous a dit « mais qu’ils rentrent chez eux les vegans », auquel un camarade a répondu « Mais on n’a pas de pays, on rentre en « Veganie » alors ? »  Un organisateur nous racontait qu’il avait du calmer un homme qui disait « Dans une fête de village ont les aurait tabassés » et il lui a été répondu « Mais en fait, ici, c’est une rencontre politique et pas une fête de village ! »

Le lendemain, pour expliquer l’action, le groupe qui avait organisé l’action (auquel nous faisions partie), ont organisé une grande discussion, où sont venues assister une centaine de personnes pour discuter et débattre du veganisme et de l’anarchisme. Nous avons pu parler du spécisme, de la cohérence à être anarchiste et de ne pas manger de viande, de l’importance, non pas d’empêcher tout le monde de manger de la viande, mais de faire d’un lieu politique un lieu où toutes les luttes, dont l’antispécisme peuvent avoir leur place, etc.

Pour finir, devant les 3000 personnes du meeting de clôture nous avons pris la parole à son ouverture, grâce à l’aide de certaines camarades féministes, pour expliquer les raisons de l’actions, les retours que l’on avait pu avoir, et pour revenir sur l’incohérence de manger de la viande lorsqu’on est anarchistes.

La vidéo est disponible et sous-titrée en français ci dessous :

Déclarations des Végan-e-s lors des RIA de Saint Imier from Panthères Enragées on Vimeo.

Nous pouvons ainsi nous féliciter que tout le monde, dans ce rassemblement, a entendu parler du veganisme, des personnes ont par la suite lancé des débats sur l’antispécisme au sein de leurs organisations anarchistes en rentrant dans leurs pays respectifs, d’autres sont devenus végétarien-ne-s en pensant à devenir vegan-e-s, comme quoi, parfois l’action directe peut très bien fonctionner !!!